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La naissance du mouvement français pour la Société des Nations

Le combat pour la SdN est né avant même la première guerre mondiale dans les milieux pacifistes européens et nord-américains, et particulièrement en France où la conception de la paix par le droit prévalait, c'est-à-dire l'idée d'une société internationale juridiquement organisée afin de maintenir la paix. C'est Léon Bourgeois qui lui a donné son nom de « Société des Nations » et qui a contribué à en populariser l'expression, même si on préfère parler davantage à cette époque de codification du droit international, d'arbitrage obligatoire, de tribunal international, de sanctions économiques voire militaires contre les États fauteurs de guerre, de désarmement. On retiendra que c'est déjà toute une partie de l'opinion, au-delà même des cercles pacifistes proprement dits, qui soutient ces idées : hommes politiques de la gauche socialiste à la droite modérée, Ligue des droits de l'homme, franc-maçonnerie, universités populaires, mouvement coopératif, féministes, protestants et quelques catholiques,… Il est frappant de constater qu'après la guerre les contours du mouvement français pour la Société des Nations épousent à peu près ceux du mouvement pour la paix d'avant 1914, dont un certain nombre de dirigeants et de sympathisants fournissent ensuite au combat pour la SdN des militants convaincus.

Le mouvement spécifique en faveur de la Société des Nations ne s'organise, en effet, que durant la première guerre mondiale, précocement dans les pays anglo-saxons, plus tardivement en France, en raison de l'hostilité des autorités françaises à tout ce qui aurait pu ressembler à un combat pacifiste, c'est-à-dire – dans l'esprit du temps – défaitiste.

Trois organisations pourtant, l'Association de la paix par le droit, la Ligue des droits de l'homme et le Parti socialiste contribuent, en 1915-1916, à lancer en France l'idée d'une Société des Nations. Si le pays mène alors officiellement la guerre pour le droit, ce qui a d'ailleurs permis la mobilisation presque unanime de tous les pacifistes au service d'une guerre « jusqu'au bout », il s'agit pour ces mouvements de préciser concrètement les espoirs qui justifient une telle lutte : l'avènement d'un monde reposant sur le droit, grâce à la constitution d'une Société des Nations, qu'il s'agit alors de définir et de populariser dans l'opinion. Le premier mouvement qui entend se dévouer exclusivement à cette tâche se créée en France à la toute fin de 1916 : il s'agit de la « Ligue pour une Société des Nations basée une constitution mondiale ».

L'appui officiel du président Wilson à l'idée de Société des Nations stimule incontestablement les efforts de tous ceux qui, en France, entendent lui consacrer leur propagande, et le gouvernement lui-même finit par s'y rallier du bout des lèvres, même s'il reste hostile à toute campagne d'opinion sur ce thème. Dans ce contexte, c'est surtout la Ligue des droits de l'Homme, du fait de son histoire et de sa solide organisation, qui joue le rôle le plus actif dans ces premiers combats et qui sert en quelque sorte de point de ralliement à tous les efforts dispersés. Son congrès de novembre 1917 permet de préciser de manière approfondie la conception française : ébauche immédiate d'une Société des Nations entre les pays alliés et certains neutres et application des différentes revendications du pacifisme d'avant-guerre (arbitrage obligatoire et constitution d'une force internationale). Les avis sont néanmoins fort divergents sur l'ampleur des abandons de souveraineté auxquels il faudra consentir pour parvenir à ces fins.

Mais à la fin de 1917, le mouvement pour la Société des Nations reste encore confiné à une petite élite, et ne parvient pas à prendre une dimension plus populaire. C'est pourquoi, on essaye, entre 1918 et 1920, d'organiser un mouvement plus solide en faveur de l'idée nouvelle et le militantisme pour la SdN reçoit alors son architecture quasi définitive.

Sous la pression des associations anglaises et américaine pour la Société des Nations, et en grande partie grâce aux efforts déployés par la Ligue des droits de l'Homme, naît alors, le 10 novembre 1918, l'Association française pour la Société des Nations, présidée par Léon Bourgeois. Cette dernière ne parvient malheureusement pas à fédérer sous sa bannière toutes les bonnes volontés en faveur de la Société des Nations. Depuis le début de la guerre, plusieurs ligues se sont, en effet, constituées en faveur de la future organisation internationale, et les sociétés pacifistes d'avant-guerre s'intéressent également de près à ce combat, qui satisfait une partie de leurs revendications. Seule l'Association de la paix par le droit est toutefois favorable à une véritable unification entre l'ancien pacifisme d'avant 1914 et le « nouveau pacifisme » au service de la Société des Nations. Une Fédération française des associations pour la SdN est donc créée en 1920 qui, tout en respectant scrupuleusement l'autonomie de chacune de ses adhérentes, entend permettre au militantisme français pour la SdN de s'exprimer d'une seule voix sur la scène internationale.

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