L'ouvrage échappe à la périodisation classique de l'entre-deux-guerres et adopte volontairement la perspective plus large de la première moitié du XX e siècle afin de mettre en avant les continuités entre l'avant-1914 et l'après-1918, et entre l'avant-1939 et l'après 1945.
Le militantisme pour la Société des Nations précède en effet l'institution elle-même et trouve ses racines dans le combat en faveur d'un ordre juridique mondial mené à la Belle Époque avant tout par les sociétés pacifistes mais aussi par toute une partie de l'opinion : hommes politiques de la gauche socialiste à la droite modérée (tels Léon Bourgeois et Paul d'Estournelles de Constant), Ligue des droits de l'homme, franc-maçonnerie, universités populaires, mouvement coopératif, féministes, protestants et quelques catholiques, … Il est ainsi frappant de noter qu'au lendemain de la première guerre mondiale les contours du mouvement français pour la Société des Nations épousent à peu près ceux du mouvement pour la paix d'avant 1914, dont un certain nombre de dirigeants et de sympathisants fournissent ensuite au combat pour la SdN des militants convaincus.
L'après-1945 offre pareillement de fortes continuités avec les années trente en termes d'hommes et d'idées. C'est parce qu'ils ont conservé, malgré la guerre, toute leur foi dans les solutions juridiques et la nécessité de faire reposer la paix future sur le Droit, qu'ils jouent pour certains un rôle particulièrement actif, à l'époque de la Libération, dans la définition des exigences françaises en matière d'organisation internationale, prenant notamment part aux travaux de la commission officielle du Quai d'Orsay pour l'étude des principes d'une organisation internationale. S'ils refusent alors de condamner la SdN, ils acceptent volontiers de populariser dans l'opinion publique la nouvelle organisation internationale qui l' a remplacée et qu'ils défendent avec une foi sincère, croyant voir dans l'ONU la satisfaction des revendications françaises en matière de sécurité collective exprimées par Léon Bourgeois en 1919.
Mais le double échec de la SdN et de l'ONU est évidemment une cruelle épreuve pour ces militants pacifistes qui arrivent en cette fin des années quarante à l'automne de leur vie. Ne parvenant pas à créer dans l'opinion publique le moindre enthousiasme autour de l'ONU, ni à trouver les hommes et les femmes qui pourraient reprendre le flambeau du pacifisme juridique, le mouvement pour l'ONU et plus généralement le mouvement en faveur de la paix par le droit se meurt dans l'indifférence générale.