Université de Paris 1 - Année universitaire 2007-2008

"Comprendre l'émergence de l'idée européenne au XXe siècle"

Séance 1 :

Paix, liberté et idéal européen au XIXe siècle (1814-1914)

 

 

 

 

 

 

I. Richesse et contradictions de l’idée européenne (1814-1850)

A) Les projets de fédération européenne dans le sillage du congrès de Vienne


Claude Henri de Saint-Simon (1760-1825)
De la réorganisation de la société européenne, ou de la nécessité et des moyens de rassembler les peuples de l'Europe en un seul corps politique, en conservant à chacun son indépendance nationale.

- Confédération européenne
- Noyau franco-britannique
- Règle pacifiquement les différends entre Etats

Karl Christian Friedrich Krause - Projet d’un État fédératif européen (1814)

- Projet d’un État fédératif européen (1814)
- Allemand langue officielle; siège à Berlin
- Conseil fédéral (unanimité) et tribunal fédéral

Conrad Friedrich Von Schmidt-Phiseldek - La Ligue européenne (1821)

- Institutions inspirées de la Confédération germanique + tribunal fédéral

B) Les romantiques et l’idée d’Europe


Giuseppe MAZZINI (1805-1872)
«L’alliance des peuples est la seule véritable alliance capable de réduire à néant les entraves de ces deux fléaux que sont le despotisme et la guerre. Elle implique la fédération des peuples européens. Cette alliance représente l’avenir de la société moderne. La civilisation à laquelle tous les peuples ont collaboré constitue un héritage commun. Nous redeviendrons tous concitoyens, parce que nous sommes tous les enfants d’une seule patrie, l’Europe.» (Jeune Italie, 1832)

VICTOR HUGO (1802-1882)

"Un jour viendra où l’on verra ces deux groupes immenses, les États-Unis d’Amérique, les États-Unis d’Europe (Applaudissements), placés en face l’un de l’autre, se tendant la main par-dessus les mers, échangeant leurs produits. leur commerce, leur industrie, leurs arts, leurs génies, défrichant le globe, colonisant les déserts, améliorant la création sous le regard du Créateur, et combinant ensemble, pour en tirer le bien-être de tous, ces deux forces infinies, la fraternité des hommes et la puissance de Dieu (Longs applaudissements.)

Et ce jour-là, il ne faudra pas quatre cents ans pour l’amener, car nous vivons dans un temps rapide, nous vivons dans le courant d’événements et d’idées le plus impétueux qui ait encore entraîné les peuples, et, à l’époque où nous sommes, une année fait parfois l’ouvrage d’un siècle.
Et Français, Anglais, Belges, Allemands, Russes, Slaves, Européens, Américains, qu’avons-nous à faire pour arriver le plus tôt possible à ce grand jour ? Nous aimer. (Immenses applaudissements.)
Nous aimer ! Dans cette oeuvre immense de la pacification, c’est la meilleure manière d’aider Dieu !

Victor Hugo, Discours d’ouverture au Congrès de la paix de Paris (21 août 1849).

Quelles sont les "visions hugoliennes"?

- L’Europe deviendra une « nation »
- L’Europe ne peut se faire qu’autour de la France (la tête) et de l’Allemagne (le cœur).
- L’Europe doit posséder un « droit d’ingérence » (atrocités commises par les Turcs contre les Serbes).

C) Les sociétés pacifistes et les concours pour la paix

« Société de la morale chrétienne » fondée à Paris en 1821 par le duc de la Rochefoucauld-Liancourt,
=> Constantin Pecqueur, De la paix: de son Principe et de sa réalisation (1840) : Établir en Europe un pouvoir supérieur confédéral

Société de la paix de Genève (fondée en 1830)
=>Johann Sartorius, Organon des vollkommenen Friedens (1837) : Fédération européenne avec représentation des peuples.

D) Les libéraux et le libre-échange


Richard Cobden (1804-1865)
Frédéric Bastiat (1801-1850) « Société des Amis de la paix » (1847)
Vésinet, directeur du Journal de Rouen : « Etats-Unis d’Europe » (décembre 1847)

II. La stagnation du mouvement européen entre 1850 et 1870

A) L’idée européenne sous le second Empire

Francisque Bouvet
Introduction à l’établissement d’un droit public européen (1866)
Fédération européenne sur le modèle de la Confédération germanique

Michel Chevalier
Ancien saint-simonien et économiste libéral
République européenne représentant les nations et les citoyens européens (influence USA)

B) Les précurseurs du fédéralisme européen

Carlo CATTANEO (1801-1869) : républicain et fédéraliste: une Italie fédérale dans une Europe fédérale, car permet de concilier unité et liberté.

Pierre-Joseph PROUDHON (1809-1865) :

- Le système fédératif réalise la meilleure synthèse entre autorité et liberté.


- Confédérations d’Etats eux-mêmes décentralisés.
« Il faut que le citoyen, en entrant dans l’association ait autant à recevoir de l’État qu’il lui sacrifie ; qu’il conserve toute sa liberté, sa souveraineté et son initiative, moins ce qui est relatif à l’objet spécial pour lequel le contrat est formé et dont on demande la garantie à l’Etat. Ainsi réglé et compris, le contrat politique est ce que j’appelle une fédération » (Du principe fédératif, 1863 ).

- Europe = fédération de fédérations

Constantin FRANTZ (1817-1891)
Allemand hostile au Reich bismarckien ultra-nationaliste, dominé par la Prusse.
Défend le fédéralisme contre l’Etat-nation => Mitteleuropa : large fédération organisée autour de la Prusse.

C) La ligue internationale pour la paix et la liberté

Genève (9-12 septembre 1867)
Les États-Unis d’Europe
Charles Lemonnier

III. Le renouveau de l’idée européenne (1870-1914)

A) Les juristes et l’idée européenne

James Lorimer (Ecossais)
« Le Problème final du droit international », dans la Revue de droit international, 1877.
FEDERATION

Johann Caspar Bluntschli (Allemand)
« Die Organisation des europäischen Staatsvereins » (L’organisation de l’Union des États européens) dans Gegenwart, 1878  
CONFEDERATION

B) Les pacifistes et l’idée européenne


La Ligue internationale de la paix et de la liberté
Charles Lemonnier «La Fédération des peuples et l’institution d’un tribunal international ne me paraissent pas, à l’heure où j’écris, réalisables en Europe.» (1888)

Les congrès universels de la paix :
Paris 1889
Rome 1891
Berne 1892

Paul d’Estournelles de Constant (1852-1924)

"Donc l’Europe, si elle veut rester à la tête de la civilisation, si elle veut être encore l’Europe, doit s’unir non seulement pour la répression, mais pour l’organisation de la Chine, et c’est ici que s’élève sa mission et que se réalisent les rêves de solidarité, les prévisions hier jugées déraisonnables. Une telle tâche exige une entente durable savante, concertée (j’examinerai, le moment venu, les moyens de la réaliser pour ainsi dire matériellement), car elle sera, non pas le germe, mais le commencement des États-Unis d’Europe. […] Le sang allemand, anglais, italien ou russe versé en Chine est, à nos yeux, non du sang étranger, mais du sang européen; c’est notre sang. (« La Chine et la diplomatie européenne », Le Temps, 7 juillet 1900)

"Comment comprendre que les embarras de nos voisins étant analogues aux nôtres, il n’est pas de remède à nos difficultés comme aux leurs, il n’est pas d’avenir possible pour aucun État d’Europe en dehors d’une entente européenne. Et cette entente, comment ne pas travailler à la préparer. Voilà le devoir, voilà l’œuvre à accomplir. L’Union européenne, loin d’être un rêve, est une conséquence logique du progrès ; le progrès moral ne peut indéfiniment tarder à suivre le progrès matériel ; les peuples ne peuvent se rapprocher en continuant à s’ignorer et à se haïr ; l’Union européenne est un résultat de la découverte de la vapeur et de l’électricité".
Paul d’Estournelles de Constant, « A propos du pacifisme », Revue des Deux-Mondes, 15 août 1905.

C) La « European Unity League » de Max Waechter


1908 : European Federation
1913 : England, Germany and the Peace of Europe
1917 : The European Unity League
1924 : How to Make War Impossible : the United States of Europe

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