Mémorandum sur l'organisation d'un régime

d'Union fédérale européenne (1er mai 1930)

 

I. Nécessité d’un pacte d’ordre général, aussi élémentaire fût-il, pour affirmer le principe de l’union morale européenne et consacrer solennellement le fait de la solidarité instituée entre Etats européens

Dans une formule aussi libérale que possible, mais indiquant clairement l’objectif essentiel de cette association au service de l’œuvre collective d’organisation pacifique de l’Europe, les Gouvernements signataires s’engageraient à prendre régulièrement contact, dans des réunions périodiques ou extraordinaires, pour examiner en commun toutes questions susceptibles d’intéresser au premier chef la communauté des peuples européens. […]

II. Nécessité d’un mécanisme propre à assurer à l’Union européenne les organes indispensables à l’accomplissement de sa tâche

A. Nécessité d’un organe représentatif et responsable, sous forme d’institution régulière de la « Conférence européenne » composée des représentants de tous les Gouvernements européens membres de la S.D.N., et qui demeurerait l’organe directeur essentiel de l’Union européenne, en liaison avec la S.D.N. […] Afin d’éviter toute prédominance en faveur d’un des Etats d’Europe par rapport aux autres, la présidence de la Confédération européenne devrait être annuelle et exercée par roulement. […]

B. Nécessité d’un organe exécutif, sous forme de Comité politique permanent, composé seulement d’un certain nombre de Membres de la Conférence européenne et assurant pratiquement à l’Union européenne son organisme d’étude en même temps que son instrument d’action. […] L’activité de ce Comité, comme celle de la Conférence, devant s’exercer dans le cadre de la S.D.N., ses réunions devraient avoir lieu à Genève même, où ses sessions régulières pourraient coïncider avec celles du Conseil de la S.D.N. […]

C. Nécessité d’un service de secrétariat, aussi réduit fût-il à l’origine, pour assurer administrativement l’exécution des instructions du Président de la Conférence ou du Comité européen, les communications entre Gouvernements signataires du Pacte européen, les convocations de la Conférence ou du Comité, la préparation de leurs discussions, l’enregistrement et la notification de leurs résolutions, etc.

III. Nécessité d’arrêter d’avance les directives essentielles qui devront déterminer les conceptions générales du Comité européen et le guider dans son travail d’étude pour l’élaboration du programme d’organisation européenne

A. Subordination du problème économique au problème politique. Toute possibilité de progrès dans la voie de l’union économique étant rigoureusement déterminée par la question de sécurité et cette question elle-même étant intimement liée à celle du progrès réalisable dans la voie de l’union politique, c’est sur le plan politique que devrait être porté tout d’abord l’effort constructeur tendant à donner à l’Europe sa structure organique. C’est sur ce plan encore que devrait ensuite s’élaborer, dans ses grandes lignes, la politique économique de l’Europe, aussi bien que la politique douanière de chaque Etat européen en particulier. […]

B. Conception de coopération politique européenne comme devant tendre à cette fin essentielle: une fédération fondée sur l’idée d’union et non d’unité, c’est-à-dire assez souple pour respecter l’indépendance et la souveraineté nationale de chacun des Etats, tout en leur assurant à tous le bénéfice de la solidarité collective pour le règlement des questions politiques intéressant le sort de la communauté européenne ou celui d’un de ses Membres. […]

C. Conception de l’organisation économique de l’Europe comme devant tendre à cette fin essentielle: un rapprochement des économies européennes réalisé sous la responsabilité politique des Gouvernements solidaires. À cet effet, les Gouvernements pourraient fixer eux-mêmes, définitivement, dans un acte d’ordre général et de principe qui constituerait un simple pacte de solidarité économique, le but qu’ils entendent assigner comme fin idéale à leur politique douanière (établissement d’un marché commun pour l’élévation au maximum du niveau de bien-être humain sur l’ensemble des territoires de la communauté européenne). A la faveur d’une telle orientation générale pourrait s’engager pratiquement la poursuite immédiate d’une organisation rationnelle de la production et des échanges européens, par voie de libération progressive et de simplification méthodique de la circulation des marchandises, des capitaux et des personnes, sous la seule réserve des besoins de la défense nationale dans chaque Etat. […]

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