L'exploitation commune de l'espace vital européen

« Depuis des siècles, les Européens sont habitués à des échanges. Ils sont de même race et de même civilisation ; ils vivent sous le même climat et ont sensiblement les mêmes besoins. Seuls leur sol et leur sous-sol diffèrent et leurs productions sont complémentaires. Alors le nouveau Reich leur propose d’entreprendre l’exploitation de cet espace vital qui leur fut commun pendant tant de siècles.

Chacun y gardera sa place, son caractère et ses institutions politiques, mais tous y vendront leurs produits et y feront leurs achats à égalité sous le même régime monétaire et douanier. […]

Par le nombre, le groupe européen est de beaucoup le plus fort ; puisqu’il compte une fois et demie plus d’hommes que tous les Anglo-Saxons, deux fois plus que l’URSS et qu’il surpasse, à lui seul, tous les autres blancs réunis.

Par la race, il est de beaucoup le plus homogène, ne comprenant dans ses limites continentales ni nègres, ni tartares.

Son outillage économique (agricole, industriel, commercial et financier) est dans chaque branche égal, sinon supérieur, puisque, malgré son compartimentage douanier, il résiste aussi bien qu’eux aux privations du blocus.

Enfin, par le degré de culture de ses habitants, par leurs qualités de travail et d’épargne, il peut se prétendre au moins l’égal et peut-être le supérieur des autres groupements – puisque l’Europe continentale a été, autant que l’Angleterre, l’éducatrice des Américains comme des Russes.

Et maintenant supposez que ce groupe homogène de 350 millions d’hommes, enfin maître d’un espace vital commun à la dimension de ses entreprises et libéré de la concurrence des pays exotiques, soit désormais en mesure d’assurer :

Le plus haut niveau de vie à ses travailleurs ;

 À son commerce, le plus riche débouché intérieur

Le maximum de grands travaux à ses usines d’équipement ;

Certain de ne jamais être arrêté dans ses travaux par le manque de capitaux puisque le travail se finance lui-même ;

Assuré de ne jamais dépasser les besoins grâce à la discipline imposée par les Plans de quatre ans ;

Enfin libéré de la tutelle des trusts et désintoxiqué de cet individualisme forcené à quoi l’a dressé un siècle et demi de concurrence darwinienne.

Alors dites-moi si ce groupe ne développera pas une telle supériorité non seulement matérielle, mais morale, s’il ne développera pas un tel dynamisme que les autres n’auront plus ni le pouvoir ni le désir de le combattre.

Et ce sera, dans la paix sociale et la paix extérieure, la Primauté de l’Europe par la Primauté du Travail. 

F. Delaisi, La Révolution européenne, La Toison d’Or, Paris, 1942, p. 282-286.