Richard de Coudenhove-Kalergi (1894-1972)

Extraits du Manifeste Paneuropéen (1924)

 

« Européens ! Européennes ! L’heure du destin de l’Europe a sonné ! Dans les usines de toute l’Europe, on forge chaque jour des armes destinées au massacre des hommes de l’Europe – dans les laboratoires européens, on prépare des poisons destinés à l’anéantissement des femmes et des enfants de l’Europe.

Avec une inconcevable légèreté, l’Europe joue ses destinées, avec un inconcevable aveuglement elle refuse de voir ce qui vient, avec une inconcevable passivité elle se laisse pousser vers les pires catastrophes qui aient jamais menacé un continent.

Le seul salut réside dans la Paneurope, dans le rassemblement de tous les Etats démocratiques du continent en un groupement politique et économique international.

Si la Paneurope est créée, en tant que puissance mondiale à droit égal, elle pourra constituer avec l’Amérique, la Grande-Bretagne, la Russie et l’Extrême-Orient une nouvelle Société des Nations, au sein de laquelle aucune partie du monde n’aurait plus à craindre l’ingérence des autres dans ses affaires.

[…] Sans une garantie durable de la paix en Europe, toute union douanière européenne reste impossible. Aussi longtemps que l’Etat vit fans la peur continuelle de ses voisins, il soit s’assurer de sa subsistance autonome en temps de guerre, comme une place assiégée, il lui faut pour cela des industries nationales et des cordons douaniers. Seule, la substitution de l’arbitrage obligatoire au risque de guerre pourrait ouvrir la voie à la suppression des frontières douanières et au libre-échange européen.

[…] La communauté des intérêts pave le chemin qui mène à la Communauté politique.

La Question européenne, la voici : « Est-il possible que sur la petite presqu’île européenne, 25 Etats vivent côte à côte dans l’anarchie internationale, sans qu’un pareil état de choses conduise à la plus terrible catastrophe politique, économique et culturelle ?

L’avenir de l’Europe dépend de la réponse qui sera donnée à cette question. Il est entre les mains des Européens. Vivant dans des Etats démocratiques, nous sommes co-responsables de la politique de nos gouvernements. Nous n’avons pas le droit de nous borner à la critique, nous avons le devoir de contribuer à l’élaboration de nos destins politiques.

Si les peuples de l’Europe le veulent, la Paneurope se réalisera : il leur suffit, pour cela, de refuser leurs voix à tous les candidats et partis dont le programme est anti-européen.

Il ne faut pas se lasser de répéter cette vérité simple : une Europe divisée conduit à la guerre, à l’oppression, à la misère, une Europe unie à la paix, à la prospérité !

Sauvez l’Europe et vos enfants ! »

 

Texte repris dans Historiens & Géographes, octobre 1994, p. 103-104.