TD - 12 - France et Allemagne en marche vers la guerre


(source de l'image)

Texte 35 –

André François-Poncet

« Hitler et Mussolini », p. 35-36.

 

Qui est André François-Poncet ? Notice biographique sur le site de l'Académie française. Autre notice biographique plus complète sur le site de l'Assemblée nationale.

A connaître pour de futurs exposés : Base de données des députés français depuis 1789 (site de l'Assemblée nationale)...

Problématique du texte : Comment la France assiste-t-elle au rapprochement germano-italien et quelles marges de manœuvre lui reste-t-il désormais pour maintenir la paix en Europe face à la volonté belliqueuse des deux dictateurs ?

I. Mussolini et Hitler, deux dictateurs plus différents que semblables ?

Le rapprochement entre les deux dictateurs n'est pas "naturel", car bien des différences les séparent. Mussolini, arrivé au pouvoir dès 1922, sait qu’il impressionne Hitler. Mais il n'a pas beaucoup de sympathie pour lui et le considère de plus en plus comme un rival.

La première entrevue entre Mussolini et Hitler, en juin 1934, est un échec. Celle-ci a eu lieu à Stra, près de Padoue, puis à Venise. Mussolini, en grand uniforme, avait voulu éblouir Hitler, encore humble civil. Hitler loge dans la suite royale du Grand Hôtel sur le Grand Canal. Le 2e jour de la visite Mussolini présente à Hitler un défilé des jeunesses fascistes. Place St-Marc le Duce tient un discours devant 70.000 chemises noires venues par trains spéciaux. Mais alors qu'Hitler veut l’Anschluss avec l’Autriche, Mussolini s’érige en protecteur de la souveraineté autrichienne. Hitler assure Mussolini qu’aucune décision concernant l’Autriche ne sera prise sans le consulter.

Le 25 juillet 1934 : le chancelier Dolfuss est assassiné par des nazis autrichiens. Le Duce prend la mort de Dolfuss comme une atteinte personnelle. Sans plus attendre, il envoie des troupes à la frontière autrichienne.

Mussolini se permet d'ailleurs de tenir des propos fort humiliants à l'égard de Hitler à Bari, le 6 septembre 1934 : « Trente siècles d’histoire nous permettent de regarder avec une souveraine pitié une doctrine venue du nord des Alpes, une doctrine défendue par la progéniture d’un peuple qui ignorait une écriture qui eût pu témoigner de sa vie, à une époque où Rome avait César, Virgile et Auguste. »

Mussolini hésite à cette époque sur le choix de ses alliances : en 1935, le français Pierre Laval oeuvre à un compromis avec l'Italie. Il rencontre Mussolini à Rome dès janvier 1935 et signe avec lui un accord réglant quelques litiges coloniaux : au prix de petites concessions temtoriales en Afrique, la France obtient en échange de Mussolini rengagement de l'aider à maintenir le statu quo en Europe danubienne coutre une nouvelle menace allemande.

Le rétablissement du service militaire obligatoire en Allemagne par Hitler (en violation du traité de Versailles), conduit la France, la Grande-Bretagne et l'Italie à réagir et à adopter une attitude commune face à ce nouveau défi. Les trois puissances affirment, en avril 1934, à Stresa, leur fidélité au pacte de Locarno et confirment la nécessité de préserver l'indépendance de l'Autriche. Mais ce "front de Stresa" sera de courte durée. Le Royaume-Uni signe dès le mois de juin 1935 un accord naval avec l'Allemagne et et l'Italie se lance début octobre dans la conquête de l'Éthiopie, Etat indépendant, membre de la Société des Nations.

Condamné pour cette raison par la SDN (sanctions économiques contre l'Italie), l'Italie va s'orienter de plus en plus nettement vers un rapprochement avec l'Allemagne, cette dernière ayantété le seul pays à soutenir Mussolini contre la SDN. Le 25 juillet 1936, l'Allemagne reconnaît la conquête de l'Ethiopie.

Le 1er novembre 1936, Mussolini prononça à Milan, sur la place du Dôme, un discours retentissant dans lequel il déclara : « Les rencontres de Berlin ont eu comme résultat une entente entre les deux pays sur des problèmes déterminés... Cette entente... cette verticale Berlin-Rome n'est pas un diaphragme, c’est plutôt un axe, autour duquel peuvent s’unir tous les Etats européens animés d’une volonté de collaboration et de paix ».

II. 1937 : l'année du rapprochement des deux dictateurs

Mussolini se rend en Allemagne du 24 au 29 septembre 1937. La visite triomphale dure 5 jours et tout a été fait pour prouver à Mussolini l'amitié de l'Allemagne.

Lors d'une manifestation au stade olympique de Berlin (voir photo ci-dessus), le Duce prononce un discours en allemand devant 800 000 Berlinois :

« Quand le fasciste a un ami, dit-il, il marchera avec cet ami jusqu'au bout ».

Vidéo : La visite du Duce à Berlin (en septembre 1937) - vidéo disponible sur youtube.

Quelques semaines après son voyage à Berlin, le 6 novembre 1937, l'Italie adhérait au pacte anti- Komintern.

Hitler sait désormais que Mussolini restera impassible devant un éventuel Anschluss avec l'Autriche. Dans un entretien avec Ribbentrop le 6 novembre 1937, Mussolini, après avoir constaté que l'Autriche est « un pays allemand de race, de langue et de culture », se déclare « las de monter la garde devant l'indépendance autrichienne, spécialement si les Autrichiens ne veulent plus de leur indépendance ».
Dans la nuit du 11 ou 12 mars 1938, les troupes hitlériennes envahissent l’Autriche sans en informer le Duce. Hitler le met donc devant le fait accompli, mais Mussoli réagit bien, car il est désormais convaincu que le destin de l'Europe centrale est désormais d'entrer dans l'orbite de l'Allemagne, et pour sa part, il veut faire de la Méditerranée le centre de sa politique extérieure.

III. La France et Mussolini : la clé de la paix se trouverait-elle à Rome ?

En septembre 1938 se tient la conférence de Munich (29-30 septembre 1938). Dans leurs pays respectifs, Hitler et Mussolini sont accueillis en héros de la paix. Le prestige de Mussolini est au plus haut.

Vidéo sur la conférence de Munich (source INA)

Dès le 3 octobre 1938, le ministre des Affaires étrangères Georges Bonnet annonce à l'Italie qu'elle va envoyer un ambassadeur à Rome, ce qui implique la reconnaissance des conquêtes italiennes en Afrique. Il sera en effet accrédité auprès du « roi d’Italie, empereur d’Ethiopie ». François-Poncet obtient sa mutation à Rome et arriva dans la capitale italienne le 7 novembre 1938.

François-Poncet connaissait moins bien l’Italie que l’Allemagne. Il crut d’abord que les choses se présentaient bien, mais un coup de tonnerre se produisit dès le 30 novembre. "Ce jour-là, François-Poncet avait été invité à la séance de la Chambre des faisceaux et corporations qui se réunissait à Montecitori. Ciano y prononça un discours relativement modéré où il fit l’éloge de l’accord anglo-italien. Mais soudain, au détour d’une phrase où il évoquait la « défense des intérêts et des aspirations nationales de son peuple », une manifestation se déclencha. Les « députés » poussèrent des cris : « Tunisie ! Corse ! Djibouti ! », un cri : « Savoie ». Au-dehors, des cortèges de fascistes se formèrent hurlant les mêmes slogans, et même : « Savoie ! Nice ! ». Le ministre de la police Starace empêcha que les manifestants ne se rendissent devant le palais Farnese. Mussolini assistait « impassible », sans surprise – et pour cause ! – à cette explosion.
[...] Que voulait Mussolini ? Pendant plusieurs mois, François-Poncet et le Quai d’Orsay s’interrogèrent. Ciano reçut l’ambassadeur le 2 décembre au soir. Il fut courtois, prétendit que le gouvernement italien n’était pas responsable, mais en conclut qu’il fallait réexaminer les accords de 1935. « Je ne vous demande pas de nous livrer la Tunisie », dit-il, mais il « se reprit d’ailleurs aussitôt ». D’ailleurs, par une note du 17 décembre, Ciano déclara formellement que les accords Laval-Mussolini étaient « historiquement dépassés ». (Jean-Baptiste Duroselle, Politique étrangère de la France. La décadence 1932-1939)

Le 22 mai 1939, a lieu à Berlin la signature du Pacte d'acier entre l'Allemagne et l'Italie...


Texte 37 – Marcel Déat, « Mourir pour Dantzig » (4 mai 1939), p. 38-39.

Biographie de Marcel Déat (Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1889 à 1940 de J.Jolly)

Lorsqu'il publia dans L’Œuvre du 4 mai 1939 l'article intitulé « Mourir pour Danzig? », Marcel Déat venait de faire sa rentrée au Parlement, dans le cadre d'une élection partielle à Angoulême. Ce violent article marqua le tournant de ses relations avec le nazisme, pour lequel il professa une admiration de plus en plus grande (tel du moins qu'il le concevait) jusqu'à devenir un fanatique de la « collaboration ».

Problématique : quelle part d’aveuglement et de pacifisme dévoyé face à la politique hitlérienne cette la violente prise de position de Déat révèle-t-elle ?

 

La ville libre de Dantzig et le "corridor" polonais

Dantzig est, à l'embouchure de la Vistule, le débouché maritime naturel de la Pologne. Lors du traité de Versailles, le territoire entourant le port : 1 951 km², 4 villes, 255 villages, et la ville de Danzig elle-même ont été enlevés à l'Allemagne sans consultation préalable des populations (très majoritairement allemandes).

Danzig est devenue une "ville libre" sous contrôle de la SDN, avec son drapeau, ses armoiries, sa monnaie, son Parlement qui désigne un Sénat. L'allemand est la langue administrative. La SDN, représentée par un haut-commissaire, garantit l'indépendance de la ville et veille au respect de la Constitution.

Danzig ne jouit que d'une souveraineté limitée, car: le territoire est inclus dans le rayon douanier polonais, les chemins de fer sont sous administration polonaise, les installations portuaires sont gérées par une commission internationale et la Pologne jouit d'un droit de veto sur toute décision du Sénat jugée préjudiciable à ses nationaux.

La situation économique de Dantzig souffre en outre du gait que le trafic polonais se fait de plus en plus par le nouveau port de Gdynia, situé à moins de 20 kilomètres mais en territoire polonais (voir carte ci-contre).

Les frontières germano-polonaises, définies par le traité de Versailles, ont créé pour la Pologne, un accès à la mer, un "corridor" ou "couloir" séprant la Prusse orientale du reste de l'Allemagne.


Après l'annexion de la Bohême-Moravie par l'Allemagne de Hitler (mars 1939) et la violation des accords de Munich, l'Allemagne se mit à revendiquer Danzig de manière plus ferme. Le 28 mars, le ministre Polonais des Affaires étrangères Joseph Beck, se déclara prêt à faire la guerre plutôt que d'admettre un changement du statut de Dantzig.

Suite à l'annexion de la Tchécoslovaquie, la Grande-Bretagne changea d'attitude et renonça à l'appeasement avec Hitler : le 31 mars, Chamberlain annonça aux Communes que l'Angleterre garantissait le maintien de l'indépendance polonaise et un accord fut signé à Londres le 6 avril. De son côté, le gouvernement français déclara, le 13 avril : «La France et la Pologne se garantissent immédiatement et directement contre toute menace directe et indirecte qui porterait atteinte à leurs intérêts vitaux. »

Le 27 avril, un mémorandum allemand remis aux Polonais exige la cession de Dantzig et le passage dans le corridor. Le 28 avril, Hitler dénonce au Reichstag l'accord germano-polonais de 1934 et l'accord naval germano-britannique de 1935. Il précise ses revendications : la Ville libre de Dantzig doit être restituée à l'Allemagne ; les relations entre la Prusse orientale et le territoire du Reich, à travers le Corridor, doivent être assurées par des voies ferrées et des routes dotées d'un statut d'exterritorialité.

Comme on le lit dans ce texte, Marcel Déat était opposé à un resserrement des alliances françaises et penchait intimement pour l'isolationnisme, faisant porter tous ses espoirs sur l'éventualité d'une guerre germano-soviétique où s'épuiseraient les deux adversaires. C'est pourquoi il recommandait à la France et à l'Angleterre de maintenir leur sympathie à la Pologne sans s'engager davantage avec elles, et d'attendre les événements... L'important était de ne pas amener Hitler à voiloir d'abord régler "le compte de la France, avant de s'engager dans l'Est". Cette attidude resta sans écho dans la masse de l'opinion publique et n'eut pas d'influence appréciable sur l'attitude du gouvernement.

Le 10 juillet 1940, à Vichy, Déat vota la loi des pleins pouvoirs. Il devint ensuite directeur politique de l’Oeuvre et, en septembre, rentra à Paris. Il fit l'apologie des vainqueurs et de leur idéologie. En 1941, il fonda le Rassemblement national populaire (R.N.P.), il devint membre du Comité des amis des Waffen SS et membre de la Milice. Nommé Ministre du Travail et de la solidarité nationale le 17 mars 1944. Il s'enfuit en Allemagne en août 1944, puis, en 1945, passa en Italie sous un faux nom. Il y mourut le 5 janvier 1955, à Turin, après s'être converti à la religion catholique. Il avait 61 ans. Le 19 juin 1945, la Haute Cour de justice l'avait condamné à mort par contumace, à l'indignité nationale à vie, et à la confiscation de ses biens.