Cours 5
L'idée d'Europe au temps du "concert européen" (1814-1870)


Définitions préliminaires :

Confédération : association d’Etats indépendants qui ont, par un traité (c’est-à-dire un engagement international) délégué l’exercice de certaines compétences sans constituer un nouvel Etat superposé aux Etats membres. Les institutions communes sont réduites au minimum. Les décisions sont prises à l’unanimité et leur exécution reste de la compétence des Etats confédérés.

Fédération : Etat composé de plusieurs entités politiques auxquelles il se superpose. L’organisation de l’Etat fédéral repose sur une Constitution c’est-à-dire sur un acte de droit interne. Les Etats fédérés cessent en pratique d’exister au regard du droit international (exemple: Etats-Unis d'Amérique, Canada, Allemagne, etc.). Il y a répartition des compétences entre Etat fédéral et Etats fédérés (chaque Etat fédéré possède des compétences propres et les exerce sans ingérence des autorités fédérales).

 

I. Réorganisation de l'Europe et projets d'union (1814-1830)

 

A. L'Europe du Congrès de Vienne (octobre 1814-juin 1815)

Carte animée et commentée de l'Europe du Congrès de Vienne (à voir et écouter en ligne sur le site "histoire à la carte")

Source de la carte ci-dessus

En 1814-1815, les négociateurs établirent un système international nouveau que l’on appela tout au long du XIXe siècle couramment « Concert européen » (ou « Concert des Puissances », ou « système européen »).

Ce système combinait certes un équilibre de type mécanique, traditionnel et égoïste, entre les Grandes puissances, souvent modifié mais toujours reconstitué entre 1815 et 1914. Mais il comportait aussi, et là on parvenait à un début de conscience européenne, la reconnaissance d’un système juridique fondé sur les traités de Vienne et les grands traités et Actes internationaux du XIXe siècle (neutralité de la Belgique en 1839, Congrès de Paris en 1856, Congrès de Berlin en 1878 et 1885, etc.).

Il comportait également, outre la codification d’un système élaboré de diplomatie bilatérale, une pratique très sophistiquée de diplomatie multilatérale, sous la forme de Congrès ou de conférences d’ambassadeurs. Les Grandes puissances étaient collectivement responsables de la paix et du « repos de l’Europe » ; elles se concertaient en permanence pour régler les problèmes ou au moins pour éviter qu’ils ne débouchent sur une guerre généralisée.

Le tout reposait sur une conscience claire, tout au moins chez les élites, de l’appartenance à une civilisation commune, conçue d’ailleurs comme indépassable et comme la seule vraie « civilisation », fondée sur les valeurs du christianisme mais aussi du libéralisme des Lumières.

Source : Georges-Henri Soutou « L'identité de l'Europe du point de vue de l'historien », Outre-Terre 2/2004 (no 7), p. 31-42.

B. Autres projets de réorganisation européenne

Claude Henri de Rouvroy, Comte de Saint-Simon (1760-1825)

Saint-Simon (Claude-Henri de) et Thierry (Augustin), De la réorganisation de la société européenne ou De la nécessité et des moyens de rassembler les peuples de l’Europe en un seul corps politique, en conservant à chacun son indépendance nationale, Paris, A. Égron, 1814.

"Ainsi, en résumant tout ce que j’ai dit jusqu’ici, l’Europe aurait la meilleure organisation possible, si toutes les nations qu’elle renferme, étant gouvernées chacune par un parlement, reconnaissaient la suprématie d’un parlement général placé au dessus de tous les gouvernements nationaux et investi du pouvoir de juger leurs différens". (Livre 2, chapitre 1er)


"Des négocians, des savans, des magistrats et des administrateurs doivent être appelés seuls à composer la chambre des députés du grand parlement.[...] Chaque million d’hommes sachant lire et écrire en Europe, devra députer à la chambre des communes du grand parlement un négociant, un savant, un administrateur et un magistrat".(Livre 2, chapitre 2)

Pour en savoir plus sur le projet européen de Saint-Simon, lire Marie-France Piguet, " L'Europe des Européens chez le comte de Saint-Simon", In: Mots, mars 1993, N°34, p. 7-24.

Karl Christian Friedrich Krause (1781-1832)
Juriste et philosophe d’Erlangen, disciple de Kant et auteur de Projet de confédération européenne (1814) (Entwurf eines europäischen Staatensbundes)

Il s'inspire des idées exprimées par Kant dans son ouvrage Vers la paix perpétuelle (Etat de droit, confédération européenne, etc.). Il propose un processus de construction européenne autour d'un noyau, la Confédération des Etats allemands, l'Europe devenant par la suite le centre d'une confédération mondiale.

« […] l’Allemagne est manifestement destinée à être la force motrice de la première Confédération des États, comme de toute la vie de l’humanité. C’est l’Allemagne, non la France, qui est, en terme de géographie, le cœur de l’Europe ; le peuple allemand est le sang qui bat à l’intérieur.»

"L'Etat fédératif organique" serait selon lui "une alliance perpétuelle d'Etats libres et indépendants pour l'ensemble du droit international".

Son projet institutionnel est assez vague : un "pacte fondamental", une cour de justice, un "Conseil confédéral" permanent, composé des chefs d'Etat et votant à l'unanimité.

Le siège de ce Conseil conféral serait Berlin et l'Allemand serait la langue commune.

 

Conrad Friedrich Von Schmidt-Phiseldek (1770-1832)

C’est un Allemand du Nord au service du roi du Danemark (conseiller d’État et directeur de la Banque royale danoise). Il publie à Copenhague en 1821: Der Europaeische Bund (La Ligue européenne).

Il est convaincu que l'hégémonie mondiale ira aux USA (déjà à son époque!) pour des raisons technologiques et industrielles, mais que l'Europe conservera encore longtemps sa prédominance intellectuelle et morale. L'unité européenne est pour lui une nécessité : "l'Europe en tant qu'Etat multinational (Völkerstaat) civilisé, est tellement liée et imbriquée dans toutes ses parties que chacun ne peut prospérer que dans le bien être de toutes...".

La future fédération serait un ensemble "organique" d'Etats égaux et autonomes, comprenant tous les peuples de l'Europe chrétienne. Les institutions prévues sont : une cour fédérale, une armée, un congrès permanent où siègeraient les chefs d'Etat ou leurs représentants, un droit de citoyenneté et Frankfort serait la capitale. Il s'agit donc d'un système confédéral.

Pour en savoir plus : Jean Nurdin, Le rêve européen des penseurs allemands, Presses universitaires de Septentrion, 2003 [Google Books].

 

C. L'émergence de l'Europe des Nationalités

"La Grèce sur les ruines de Missolonghi", tableau peint par Eugène Delacroix en 1826.

Au printemps 1826, Delacroix expose à Paris, à la galerie Lebrun, dans le cadre d’une manifestations organisée « au profit des Grecs », une peinture de grandes dimensions célébrant la résistance héroïque des habitants de Missolonghi encerclés par l’armée turque. Comme le confirme Delacroix (Lettre à Dauzats, octobre 1851), il s’agit d’une allégorie représentant la défaite des insurgés grecs à Missolonghi tombée le 29 avril 1826 aux mains des Turcs. La nouvelle de la chute de la plus puissante forteresse de la Grèce mobilisa les philhellènes de l’Europe Occidentale et raviva les sympathies pour les Grecs. Le siège de Missolonghi, les massacres et destructions qui suivirent, devinrent le symbole du courage des Grecs se battant pour la liberté, la libération de leur territoire, mais également du combat pour défendre la religion chrétienne.

 

II. Eveil des peuples et idée d'Europe (1830-1850)

A. La "Jeune Europe" de Giuseppe Mazzini

Mazzini est le héros par excellence du romantisme nationaliste et européen. Il est un des pères fondateurs de l’unité italienne qu’il voyait comme l’aboutissement d’un idéal républicain et démocratique. Le peuple est le tenant de toute souveraineté. En ce sens le seul régime politique applicable est une République démocratique. Cette vision légitime également le soulèvement populaire qui doit être un des instruments de démocratisation.

En 1831, il fonde le mouvement "Jeune Italie" dont le but est de soulever les populations dans le but d'établir une république italienne libre et unie. Des mouvements similaires apparaissent en Europe (Jeune Allemagne ou Jeune Pologne) et Mazzini regroupe tous ces mouvements en "Jeune Europe" (association fondée à Berne en Suisse en 1834). Mazzini cherche à promouvoir la notion de fraternité entre les peuples et évoque une unité européenne sous forme fédérative:

« Nous voulons l’unité, mais l’unité libre, spontanée, telle qu’elle doit exister dans une Fédération régulière, telle qu’elle doit émaner d’un Congrès européen auquel tous les peuples viennent s’asseoir sur le pied de l’égalité, chacun restant maître de régler ses intérêts particuliers, ses affaires locales, ses facultés individuelles. »

La forme juridico-constitutionnelle de l’union ne jouait qu’un rôle secondaire. Mazzini songe à une ligue des peuples européens organisée sous la forme d’une confédération d’États.

B. Les socialistes utopiques et l'idée européenne

Victor Considerant, De la politique générale et du rôle de la France en Europe (1840)

Dans les années 1840 l’idée de fédération européenne se répand dans de nombreux milieux, mais sans rigueur. Considerant, lui, perçoit très tôt le lien entre l’apparition d’une nouvelle Europe « industrieuse et pacifique » et les nouvelles conditions de la paix. Il en prévoit les développements juridiques internationaux à venir. De retour des Etats-Unis, il opte avant bien d’autres pour un fédéralisme de type américain : sa pensée de l’Unité harmonique se précise mais perd en originalité.

Voir Patrice ROLLAND (2008), “Considerant et le débat sur la Fédération européenne ”, Cahiers Charles Fourier, n° 19, décembre 2008, p. 135-154.

Constantin Pecqueur, De la paix: de son Principe et de sa réalisation (1842)

Il fut un écrivain et théoricien socialiste. Fouriériste, il collabora aux journaux Le Phalanstère en 1834, puis à La Phalange. Son livre Economie sociale de 1837 influença Karl Marx. En 1842, son ouvrage De la paix: de son Principe et de sa réalisation est couronné par la Société de la Morale chrétienne. Pecqueur veut établir en Europe un pouvoir supérieur confédéral.

Voir Ahmed Zouaoui, Socialisme et internationalisme: Constantin Pecqueur, Librairie Droz, 1964.

C. L'Europe des libéraux

Richard Cobden : Industriel et homme politique.Il combat les Corn Laws (votées en 1815 afin de protéger les producteurs anglais - et donc les grands propriétaires terriens -, elles imposeny des droits de douane très élevés sur les céréales étrangères) qui sont abolies en mai 1846.

Pour en savoir plus : article de Tristan Gaston-Breton dans Les Echos.

Frédéric Bastiat : libre-échangiste, il fonde la "Société des Amis de la paix" qui s'intéresse à l'idée européenne.

La satire la plus célèbre de Bastiat visant le protectionnisme est sa pétition au Parlement français de la part des fabricants de chandelles, qui demandent à être protégés « de la compétition ruineuse d'un rival étranger » qui leur livre une concurrence déloyale en fournissant sa lumière à des prix trop bas (ce fournisseur est est bien sûr le soleil). Cette pétition s'achève par la demande d'une « loi qui ordonne la fermeture de toutes fenêtres, lucarnes, (…) par lesquelles la lumière du soleil a coutume de pénétrer dans les maisons » [1845].

D. Le printemps des peuples de 1848

Carlo CATTANEO (1801-1869)

Carlo CATTANEO (1801-1869)

Cattaneo fut le seul des penseurs du Risorgimento à voir dans les Etats-Unis d'Amérique un modèle pour la future organisation de l'Italie et de l'Europe.

En mars 1848, il participe héroïquement aux « Cinq jours de Milan » (révolte de la Lombardie contre l’Autriche). Mais à la suite de la violente réaction autrichienne, il croit désormais que seule une fédération républicaine sur le modèle américain pourrait donner aux Européens la paix et la liberté.

C'est à ce moment qu'il parle d'Etats-Unis d'Europe: fin 1848, il écrit dans son ouvrage L'Insurrezione di Milano : "L'édifice politique bâti par les rois et les empereurs doit être refondé sur le pure modèle américain... Nous aurons la paix véritable quand nous aurons les Etats-Unis d'Europe".

Cattaneo ne rêve pas à une constitution européenne calquée sur le modèle américain, ce qui l'intéresse ce sont les principes de liberté et d'autonomie qu'il voudrait voir appliquer à l'Italie et à l'Europe.

Il fut donc un opposant à Cavour et à ses idées d'Italie unifiée et centralisée: il voulait une Italie fédérale dans une Europe fédérale.

 

Victor Hugo

Hugo = « le plus grand lyrique de la pensée européenne » (Denis de Rougemont). L’idée hugolienne d’une «Fédération européenne», des «États-Unis d’Europe », reste au stade de la vision.

Cf. Discours inaugural du Congrès de la paix, prononcé à Paris, le 21 août 1849, dans un contexte où le reflux succède au succès des mouvements révolutionnaires de 1848.

Voir en ligne : Victor Hugo, "père de l'Europe"? [Vidéo de Jean-Michel Gaillard] (site curiosphere.tv).

Un jour viendra où les armes vous tomberont des mains, à vous aussi ! Un jour viendra où la guerre paraîtra aussi absurde et sera aussi impossible entre Paris et Londres, entre Pétersbourg et Berlin, entre Vienne et Turin, qu’elle serait impossible et qu’elle paraîtrait absurde aujourd’hui entre Rouen et Amiens, entre Boston et Philadelphie. Un jour viendra où la France, vous Russie, vous Italie, vous Angleterre, vous Allemagne, vous toutes, nations du continent, sans perdre vos qualités distinctes et votre glorieuse individualité, vous vous fondrez étroitement dans une unité supérieure, et vous constituerez la fraternité européenne, absolument comme la Normandie, la Bretagne, la Bourgogne, la Lorraine, l’Alsace, toutes nos provinces, se sont fondues dans la France. Un jour viendra où il n’y aura plus d’autres champs de bataille que les marchés s’ouvrant au commerce et les esprits s’ouvrant aux idées. - Un jour viendra où les boulets et les bombes seront remplacés par les votes, par le suffrage universel des peuples, par le vénérable arbitrage d’un grand Sénat souverain qui sera à l’Europe ce que le parlement est à l’Angleterre, ce que la Diète est à l’Allemagne, ce que l’Assemblée législative est à la France ! (Applaudissements.)

Un jour viendra où l’on montrera un canon dans les musées comme on y montre aujourd’hui un instrument de torture, en s’étonnant que cela ait pu être ! (Rires et bravos.)Un jour viendra où l’on verra ces deux groupes immenses, les Etats-Unis d’Amérique, les Etats-Unis d’Europe (Applaudissements), placés en face l’un de l’autre, se tendant la main par-dessus les mers, échangeant leurs produits, leur commerce, leur industrie, leurs arts, leurs génies, défrichant le globe, colonisant les déserts, améliorant la création sous le regard du Créateur, et combinant ensemble, pour en tirer le bien-être de tous, ces deux forces infinies, la fraternité des hommes et la puissance de Dieu ! (Longs applaudissements.)

Et ce jour-là, il ne faudra pas quatre cents ans pour l’amener, car nous vivons dans un temps rapide, nous vivons dans le courant d’événements et d’idées le plus impétueux qui ait encore entraîné les peuples, et, à l’époque où nous sommes, une année fait parfois l’ouvrage d’un siècle.

Et Français, Anglais, Belges, Allemands, Russes, Slaves, Européens, Américains, qu’avons-nous à faire pour arriver le plus tôt possible à ce grand jour ? Nous aimer

Lire le Discours dans son intégralité

 

III. Penser l'Europe au temps du Second Empire (1850-1870)

A. Le rêve européen de Napoléon III

Napoléon III cherche à détruire l’Europe du Congrès de Vienne et encourager l’établissement d’une Europe des nationalités dont il serait l’arbitre.

Après la guerre menée en Crimée par la France et ses alliées contre la Russie tsariste, Napoléon III accueille à Paris la conférence de la paix (du 27 février au 8 avril 1856) et se pose comme le nouveau chef d’orchestre du concert européen.

Le Congrès de Paris réunit les ministres des Affaires étrangères de la Russie, de la Turquie, de la Grande-Bretagne, du Piémont-Sardaigne, de l’Autriche et de la Prusse sous la présidence du ministre français Walewski (voir le tableau d'Edouard DUBUFE sur le Congrès de Paris)

Les idées de l’empereur en matière de politique extérieure atteignent lors de ce moment une audience internationale. Ainsi, le principe des nationalités est posé sur la table des négociations et triomphera quelques années plus tard avec l’unité italienne et l’indépendance de la Roumanie.

Pour en savoir plus : Napoléon III et le Congrès de Paris (site internet du Ministère des Affaires étrangères).

23 mai 1860 : signature du traité de commerce franco-britannique, signé par Richard Cobden et Michel Chevalier.

Michel Chevalier : ancien saint-simonien. Rallié à Napoléon III, il cherche à imposer ses conceptions libre-échangistes à l'Empereur. Profondément pacifiste, il voulait, par le développement du commerce, enchaîner si bien les Etats les uns aux autres que la guerre deviendrait impossible. En cela, il rejoignait pleinement les vues de Cobden, avec lequel il échangea une longue correspondance.

Le traité de commerce franco-britannique prévoit une baisse de 15 % en moyenne des droits de douane perçus sur les marchandises entre les deux pays et l'attribution réciproque de la clause de la nation la plus favorisée. C'est le premier traité de libre-échange signé entre les deux pays depuis celui de 1786. Pour Richard Cobden, c'est l'aboutissement d'un combat de près de trente ans.

En ce qui concerne le reste de l’Europe, de nombreux pays signèrent avec la France des traités similaires au traité de commerce FR/GB : Belgique et Turquie (1861), Zollverein [Union douanière allemande] (1862), Italie (1863), Suède et Pays-Bas (1865), Autriche (1866). D’autre part, ces Etats conclurent entre eux des traités similaires. On arrivait au plus près du libre-échange total. Seule la Russie resta protectionniste.

 

B. Proudhon, précurseur du fédéralisme européen

Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865)

 

Publié en 1863, Du Principe fédératif est le dernier ouvrage d'importance à avoir vu le jour du vivant de Proudhon. Pour ce dernier, la fédération est un contrat politique "dont la condition essentielle est que les contractants se réservent toujours une part de souveraineté et d'action plus grande que celle qu'ils abandonnent".

Ce pacte se distingue du contrat social unitaire: il met en présence des entités territoriales (communes, provinces), elles-mêmes constituées par des contrats entre individus. Il y a indépendance administrative des entités territoriales fédérées, séparation des pouvoirs dans chaque entité, fédéralisation sociale (agricole-industrielle) à l'intérieur des entités fédérées et entre chacune d'elles.

Le contrat de fédération internationale ne viendra donc que se superposer aux contrats fédératifs particuliers => Fédérations superposées : individu, famille, commune, région, État.

Selon Proudhon, la fédération maximise la liberté et minimise l'autorité par un système de droit contractuel - voie d'équilibre entre liberté et autorité - dont l'initiative appartient à la base plutôt qu'au sommet de la pyramide sociale."L'idée de Fédération est certainement la plus haute à laquelle se soit élevé jusqu'à nos jours le génie politique. [...] Elle résout toutes les difficultés que soulève l'accord de la Liberté et de l'Autorité. [...] l'opposition des principes apparaît enfin comme la condition de l'universel équilibre" (Du principe fédératif).

Source : Dimitrios Karmis (Université d'Ottawa), « Pourquoi lire Proudhon aujourd’hui? Le fédéralisme et le défi de la solidarité dans les sociétés divisées », in Politique et Sociétés, vol. 21, n° 1, 2002, p. 43-65

 

Pour Proudhon, l’Europe est trop grande pour constituer une fédération unique et elle ne pourra former qu’une « confédération de fédérations ». L’Europe serait composée de trois grandes puissances décentralisées (France, Angleterre, Russie) et de plusieurs fédérations de petits Etats, dont il mentionne les suivantes : germanique, italienne, helvétique, scandinave, danubienne, hispanique et « cisrhénane » (Belgique, Hollande, Luxembourg, Trêves, etc. depuis le Zuydersée jusqu’à Dunkerque et à l’embouchure de la Moselle).

 

C. Pacifistes et Etats-Unis d'Europe

1867 : fondation à Genève de la Ligue internationale de la paix et de la liberté, lors d’un congrès tenu sous la présidence d’honneur de Garibaldi et son siège restera en Suisse jusqu’en 1919, date à laquelle il sera transféré à Paris.

La ligue est présidée par Charles Lemonnier, un saint-simonien. Son organe est Les Etats-Unis d'Europe dont le premier numéro paraît en janvier 1868.

Le titre du journal, emblématique, représente le but que s’est fi xé la Ligue: réunir tous les peuples européens dans une fédération républicaine afin de parvenir à une paix durable

Lire le document en entier sur Gallica (BNF)