Cours n°4 - La Révolution et l'Empire : l'unification européenne par la conquête? (1789-1815)


I. LA RÉVOLUTION FRANCAISE ET L’EUROPE


A. L’écho de la RF en Europe (1789-1792)


Les événements qui se déroulent à Versailles et à Paris enthousiasment une partie des Européens, nourris de la philosophie des Lumières et aspirant au développement des libertés.

Lire : Hans-Ulrich Thamer : Voyage dans la Révolution française - Les pèlerins allemands de la Liberté en « pèlerinage » à Paris

L’Assemblée constituante adopte, le 22 mai 1790, la Déclaration de Paix au monde: « La nation française renonce à entreprendre aucune guerre dans la vue de faire des conquêtes et elle n'emploiera jamais ses forces contre la liberté d’aucun peuple ».

B. L’expansion révolutionnaire (1792-1794)

Le 20 avril 1792, la guerre est déclarée « au roi de Bohême et de Hongrie », c’est-à-dire à l’empereur François II, frère de la reine Marie-Antoinette.

C'est au milieu des victoires de l'automne 1792, que s'élabore la nouvelle doctrine de politique étrangère de la France.

- Principe de l’expansion révolutionnaire : le 19 novembre 1792« la Convention nationale déclare, au nom de la nation française, qu'elle accordera aide et secours à tous les peuples qui voudront recouvrer leur liberté, et charge le pouvoir exécutif de donner aux généraux les ordres nécessaires pour porter secours à ces peuples ». => véritable guerre de propagande révolutionnaire.

- vieille théorie des "frontières naturelles" : pour Danton, « les limites de la République sont marquées par la nature. Nous les atteindrons toutes des quatre coins de l'horizon, du côté du Rhin, du côté de l'océan, du côté des Alpes ».

C. La naissance de la « Grande Nation » (1794-1799)

Après la chute de Robespierre, la Convention thermidorienne, puis le Directoire (Constitution de l'An III, 1794), amènent au pouvoir des partisans acharnés de l'expansion révolutionnaire.

Projet de paix perpétuelle du philosophe Emmanuel KANT

Emmanuel Kant publie en 1795 un plan intitulée "Zum ewigen Frieden" (Vers la paix perpétuelle). Kant imagine une fédération d'Etats libres, c’est-à-dire alliance des peuples pour la paix respectueuse de leur diversité et du maintien du caractère de chaque nation. Cette fédération s'étendrait progressivement à tous les Etats, les conduisant ainsi à la paix perpétuelle.

Son système est fondé sur l'idée très neuve que, pour assurer la paix perpétuelle, les régimes des États doivent être "républicains" (N.B. Une monarchie peut être compatible avec la forme républicaine de gouvernement si la elle s'accompagne d'un système représentatif et de la séparation des pouvoirs.

Bien que plus vague quant au fonctionnement de la confédération, le projet de Kant exerça, néanmoins, une grande influence sur le président américain Wilson, qui proposa en 1918 de créer une société des nations après la guerre.

Pour approfondir : "Kant idéaliste? Le débat sur la paix perpétuelle 1895-1801".

Multiplication des "Républiques soeurs"

Source de la carte

Le terme de « république sœur » s’applique aux Etats qui après avoir été conquis militairement par la France, se dotent, souvent sous la pression des notables locaux acquis aux idées révolutionnaires, d’un régime républicain et se placent sous la protection de la France.

 

II. L’EUROPE DE NAPOLEON

Le premier Empire (site Deuframat)

Apogée et déclin du premier Empire (site Deuframat)

A. Le "système fédératif" napoléonien

Napoléon à Sainte-Hélène

« Une de mes plus grandes pensées avait été l’agglomération, la concentration des mêmes peuples géographiques qu’ont dissous, morcelés, les révolutions et la politique. Ainsi l’on compte en Europe, bien qu’épars, plus de trente millions de Français, 15 M d’Espagnols, 15 millions d’Italiens, 30 M d’Allemands. J’eusse voulu faire de chacun de ces peuples un seul et même corps de nation. […] Après cette simplification sommaire, il eût été possible de se livrer à la chimère du beau idéal de civilisation : c’est dans cet état de choses qu’on eût trouvé plus de chances d’amener partout l’unité des codes, celle des principes, des opinions, des sentiments, des vues et des intérêts. Alors peut-être, à la faveur des lumières universellement répandues, devenait-il possible de rêver, pour la grande famille européenne, l’application du congrès américain ou celle des amphictyons de la Grèce, et quelle perspective alors de force, de grandeur, de jouissance, de prospérité ! » (Mémorial de Sainte-Hélène, 11 novembre 1816).

« Il eût voulu, pour toute l’Europe, l’uniformité des monnaies, des poids, des mesures, l’uniformité de législation. Pourquoi, disait-il, mon Code Napoléon, n’eût-il pas servi de base à un code européen ? De la sorte, nous n’eussions réellement, en Europe, composé qu’une seule et même famille » (14 novembre 1816).

 

 

B. Une construction impériale en trois étapes

* La paix d'Amiens

Bonaparte disloque la seconde coalition (1799) et oblige l'Autriche (Lunéville, février 1801) puis l'Angleterre (Amiens, mars 1802), à signer une paix qui paraît consacrer la victoire de la Révolution française en Occident.

* Les royaumes familiaux

La seconde étape de la mise en place de l'Europe napoléonienne est déterminée à la fois par la reprise du conflit avec l'Angleterre (depuis le printemps 1803) et par les défaites successives des trois principales puissances européennes (Autriche, Prusse et Russie).

Après Austerlitz et Iéna, Napoléon parle de son « système fédératif ».

* L'Europe du système continental


C . Une domination continentale en 3 cercles concentriques

 

Source de la carte

Organisation de l'Europe napoléonienne :

 

III. LES HÉRITAGES DE L’AVENTURE NAPOLÉONIENNE

Lire : "Napoléon : Pour ou contre l'Europe" par Roger DUFRAISSE (site napoleon.org)

A. Napoléon continuateur des Empires romain et carolingien?

Ingres - "Napoléon Ier sur le trône impérial en costume de sacre" (1806)

L'Empereur tient de sa main droite le sceptre de Charlemagne. La couronne de lauriers renvoie à la Rome antique.

Source et explications complémentaires sur les armoiries impériales.

L’aigle éployée est choisie en référence aux aigles romaines, portées par les légions, mais l'aigle fut également le symbole de Charlemagne en sa qualité de « rénovateur de l’Empire romain.

B. Une profonde emprise sur l’Europe


" Napoléon couronné par le temps écrit le Code civil" par Jean-Baptiste Mauzaisse, 1833

C. L’éclosion du principe national

La France révolutionnaire et impériale a introduit le nationalisme en Europe de deux façons complémentaires :


- l’effet de sa propagande, l’influence directe des idées révolutionnaires


- les haines que la France a soulevées, la réaction passionnée et violente contre les abus de la Grande Nation.