Cours n°2 - L'Europe chrétienne du Moyen-Âge
L'Europe n'existe pas au Moyen-Âge sous ce nom qui n'est que très exceptionnellement utilisé par les intellectuels du temps. Le terme ne réapparaîtra qu'à la Renaissance. Ce qui existe, au Moyen Age, c'est la Chrétienté, la Christianitas.
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Après une résistance de 70 ans, de 641 à 711, le Maghreb cède face à la conquête musulmane. Profondément romanisé et christianisé, le Maghreb tourne le dos au monde romain. L'unité de la Méditerranée se trouve brisée.
La conquête musulmane fait resurgir le mot "Europe" et lui donner désormais un sens politique. C’est la conquête arabe qui fait resurgir le mot même d’Europe et qui, surtout, pour la première fois, lui donne un sens politique. En 769, trois décennies après la bataille de Poitiers, l’Espagnol Isidore le Jeune appelle l’armée de Charles Martel l’armée « des Européens » :
« Sortant
le matin de leurs maisons, les Européens aperçoivent les tentes
bien rangées des Arabes ».
L’Europe occidentale naît de la fusion entre ces peuples "barbares", qui se sont installés dans la partie occidentale latine de l’Empire romain et les habitants de l’Empire romain.
Le 25 décembre de l'an 800, à Saint-Pierre de Rome, Charlemagne est couronné empereur par le pape Léon III.
Source
du document : Grandes Chroniques de France, enluminées par Jean Fouquet,
Tours, vers 1455-1460
Paris, BnF, département des Manuscrits, Français 6465, fol. 89v.
(Second Livre de Charlemagne)
Le
jour où Charlemagne fut couronné Empereur [L'Histoire]
Par d'incessantes campagnes à la tête de l'armée de Francs,Charlemagne a étendu sa domination sur la Bavière, sur la Saxe, sur la Frise. En Espagne, il constitue cette marche d'Espagne qui sera la base de la Reconquista.
"Mêlant la conquête, et souvent la sévère occupation, à la protection de l'Église et à l'évangélisation des peuples païens, il se pose en défenseur de la Chrétienté" (Jean Favier).
Source : La Documentation française.
Jacques Le Goff : L'Europe au Moyen Âge
- pélerinages
- universités
- commerce international (Hanse, Italie, foires de champagne)
- latin = langue commune des clercs et des laïcs les plus cultivés
- art médiéval
Les croisades
Pèlerinage armé, la "croisade" fait la synthèse entre le "pèlerinage à Jérusalem" – lequel vaut rémission des péchés – et la "guerre juste" contre les ennemis de l'Église. Pour le pape, c’est aussi le moyen de rassembler sous la bannière de l’Église la chevalerie d’Occident et d’imposer sa prééminence sur toute la chrétienté. Huit croisades se sont succédé entre 1095 et 1270, engageant plusieurs centaines de milliers de chrétiens.
Pour en savoir plus : site de la BNF
"Toute l'œuvre de Pierre Dubois tend à l'établissement d'une hégémonie capétienne sur le monde chrétien, grâce au rétablissement de la paix en Occident, à l'union des énergies pour le succès de la croisade et à la restauration du prestige impérial" (Jean Favier, Encyclopédie Universalis).
Le
dernier avant-poste chrétien en Terre sainte, Saint-Jean-d'Acre, est
perdu en 1291. Pour le reconquérir, il faut réunir de nombreuses
troupes, ce qui nécessite une paix durable entre les princes catholiques.
Son oeuvre principale est le De recuperatione terre sancte (1306) =
Traité de politique générale dans lequel Pierre
Dubois défend
le projet d'une "Republica Christiana".
La Paix = > unité politique des princes chrétiens européens dans un seul Etat = "république chrétienne"
=> Confédération
des princes européens sous la direction d’un Concile des
princes ( => Conseil de l’Europe), Cour d’arbitrage
(=> Tribunal international)
Mai 1453: prise de Constantinople par les troupes ottomanes => fin de l’Empire byzantin ==> Choc en Occident.
"La chute de Byzance fut un événement. immense. On en parla dans toutes les chroniques, au fin fond des shires anglais comme à Paris. Le choc fut maximum à Rome, Venise ou Gênes très impliquées, en Orient et où affluèrent exilés, réfugiés et reliques. On crut à 200 000 morts dont certains avaient été massacrés dans Sainte-Sophie même. La fin des temps s’annonçait ; Mahomet II était peut-être l’Antéchrist et la prochaine étape serait Rome" (Colette Beaune).
Le futur Pie II écrit : "Maintenant c’est en Europe même, c’est-à-dire dans notre patrie, dans notre propre maison, dans notre siège, que nous sommes attaqués et tués "
Pie II arriva au pontificat en 1458, la situation s’améliora. Le pape connaissait bien l’Europe centrale menacée et il était partisan d’une résistance acharnée à l’avance turque. Il a beaucoup écrit sur ce sujet et appelé de multiples fois les princes de l’Europe à s’unir contre le danger commun.
En 1458, Pie II écrira un texte nommé De Europa en 1458, dans lequel l’Europe se trouve décrite "comme un ensemble humain et historique, non plus seulement géographique" (Denis de Rougemont).
Après la prise de Byzance, les Ottomans lancèrent leurs armées contre le Sud-Est de l'Europe : les troupes turques s'emparèrent de la Morée (Péloponèse) en 1458, de la Serbie (à l'exclusion de Belgrade) en 1459, de la Bosnie et de l'Herzégovine en 1462. Les îles de la mer Egée succombèrent l'une après l'autre. En 1462 Lesbos fût enlevée aux Génois. Sur la Mer Noire Amasra, Sinope et Trébizonde furent conquises.
Dans l'Europe menacée, l'idée d'une alliance contre les Turcs faisait son chemin.C'est dans ces circonstances que fut conçu le projet du roi George sur l'organisation de la paix en Europe.
Elu roi de Bohême depuis 1458, Podiebrad était hussite comme la majorité de la population tchèque.
Les hussites sont des disciples du réformateur Jean Hus et sont considérés comme hérétiques par le Papauté qui leva cinq croisade contre eux. L'Église finit toutefois par accorder aux hussites la communion sous les deux espèces (le pain et le vin) et la lecture en tchèque de l'Evangile (Compactats du concile de Bâle en 1436). Mais le pape Pie II les abolit dès 1462.
Podiebrad s’est senti menacé par les initiatives de Pie II en faveur d'une croisade et il a éprouvé le besoin de créer une alternative, en proposant à tous les princes européens une confédération qui ferait la guerre aux Turcs.
Le texte définitif du projet de Podiebrad date de l’été 1463. Il fut soumis par une série d’ambassades à beaucoup de gouvernements. L’idée visait à constituer une association permanente des princes chrétiens pour se défendre contre les Turcs.
Les parties signataires s'engagent à ne pas recourir aux armes l'une contre l'autre et à se prêter assistance mutuelle contre tout agresseur. Les différends entre les Etats membres doivent être réglés de manière pacifique.
En cas d'agression de la part d'un pays non membre, tous les membres de l'Organisation s'engagent à venir au secours de leur allié en lui attribuant une aide financière (question essentielle au XVe siècle, les armées étant composées de mercenaires).L'organe suprême de l'organisation se compose de délégués de tous les membres et porte le nom de Congrès permanent qui a le pouvoir de rendre des statuts, décrets et ordonnances.
Le vote se fait par "nation (nacio)" (française, germanique, italienne et espagnole). Au sein de chaque nacio, les délégations ont chacune une voix et chaque nacio décide à la majorité des voix. La cour de justice (ou "Parlement") est chargée d’élaborer un droit unique et de régler les discordes entre royaumes.
Colette Beaune, « Chrétienté et Europe : le projet de Georges de Podiebrad au xve siècle », Chrétiens et sociétés, 1, 1994.
Yaroslav Zourek, "Le projet du roi tchèque George de Podiebrad", in Annuaire français de droit international, Année 1964, Volume 10, n° 10, p. 14-37.
Deux siècles après Charlemagne, en 962, le roi de Germanie Otton Ier crée le saint-Empire romain germanique qui tente de rassembler l’Europe sous sa tutelle. Mais il ne parviendra pas à soumettre les rois à son autorité.
source de la carte (c) Larousse
Moine allemand d'origine noble Auteur en 1308 du traité De ortu, progressu et fine Romani Imperii [Sur l'origine, le développement et la fin de l'Empire romain]. Il y justifie, en vertu du principe d'unité du gouvernement du monde (dérivant de l'unité même de Dieu), le pouvoir de l'Empereur, arbitre des rois, auteur de concorde et de paix.
Dante est issu de la petite noblesse de Florence. A cette époque l'Italie connait une vie politique agitée, du fait de la division entre Guelfes qui soutiennent le pouvoir temporel du pape et les Gibelins qui soutiennent l'autorité du Saint-Empire romain germanique. À la fin du XIIIe siècle, le parti guelfe se divise en deux factions : les blancs (modérés) et les noirs (très proches du Pape Boniface VIII). Dante fait partie des guelfes blancs qui sont battus à Florence par les guelfes noirs et il est obligé de s'exiler.
Dante rejoindra ensuite les Gibelins et s'alliera avec l'empereur Henri VII de Luxembourg, intronisé en 1310, en qui il placera l'espoir d'une Europe unie et pacifiée. Mais l'empereur Henri VII, qui mourut trop tôt pour accomplir ce que Dante attendait de lui.C'est à cette époque qu'il rédigera son De Monarchia, dans laquelle il prône:
- la paix universelle comme objectif de l’humanité, considérée comme une entité.
- Pour y arriver, il faut une autorité politique universelle coiffant les cités, les royaumes et les empires et se dotant des règles communes indispensables pour contrecarrer la prolifération des disputes militaires locales et régionales insolubles;
- le droit de légiférer à différents niveaux (cité, royaume, empire, monarchie).