Penser et construire l'Europe 1919-1992

Préparation aux épreuves d'histoire contemporaine du CAPES et de l'AGREGATION

Travaux Dirigés - Séance 8

L'Europe des Résistants et des Alliés

 

 

 

 

 

 

 

Quelle est la place de l'idée d'Europe au sein des mouvements de Résistance?

2 approches :

- Celle de Walter Lipgens (1925-1984) qui lança un travail magistral d’édition de documents relatifs à l’histoire de l’intégration européenne depuis la seconde guerre mondiale. Son but était de publier les principaux discours, déclarations et documents, pays par pays, de la Résistance aux mouvements militants pour l’intégration européenne, avec les commentaires d’historiens professionnels. Cet effort herculéen n’a toutefois pas apporté tous les résultats que son initiateur entrevoyait et qu’une mort trop précoce ne lui a d’ailleurs pas permis de mesurer pleinement. Certainement à l’inverse de ses intentions initiales, les milliers de pages que forment au total les quatre énormes volumes des Documents on the History of European Integration (1939-1950) publiés entre 1986 et 1991 mettetant au jour un puissant contraste entre tous ces appels à l’unité européenne et leur faible influence dans l’action des dirigeants européens au lendemain de la seconde guerre mondiale.
Pour ce qui nous concerne, voir : LIPGENS Walter, LOTH Wielfried (dir.), Documents on the History of European Integration, (1939-1950) :

vol. 1, Continental Plans for European Union, 1939-1945, Berlin, New-York, De Gruyter, 1986, 823 p ;
vol. 2, Plans for European Union in Great-Britain and in Exile, 1939-1945, Berlin, New-York, De Gruyter, 1986, 847 p ;

- Celle de Pieter Lagrou, notamment dans son article « La résistance et les conceptions de l’Europe (1945-1965) : anciens résistants et victimes de la persécution face à la Guerre froide, au problème allemand et à l’intégration européenne », publié dans Robert Frank et Antoine Fleury (dir.), Le rôle des guerres dans la mémoire des Européens, Berne, Peter Lang, 1997, p. 137-181 : "Lipgens a le mérite d’avoir retrouvé les passages dans la presse clandestine favorable à l’Europe ; il serait cependant bien plus facile de publier le quintuple de ce volume avec des passages réclamant précisément le retour à l’indépendance nationale. Si quelque chose comme une ‘Pensée de la Résistance’ a jamais existé, le nationalisme en serait un des rares traits d’union " (p. 140).

Commentaire de Robert Frank : "Il convient dès lors de s’interroger sur le rôle des résistants, pendant et après la guerre, dans ce triomphe de la volonté démocratique et, d’une façon générale, sur leur place dans le mouvement européen de 1945 à la fin des années cinquante. Le danger est de surestimer leur participation et leur contribution. La tentation est grande en effet : les européistes ont été contents de trouver une belle source de légitimité pour la construction européenne dans la noblesse de ces hommes et de ces femmes qui ont résisté à l’occupant ou au nazisme et au fascisme. Les critiques formulées par Pieter Lagrou ne peuvent donc être ignorées : ne surestime-t-on pas, pour la cause d’une piété légitimatrice, le poids de quelques hommes ou textes a posteriori ? n’y-a-t-il pas un risque à vouloir exhumer des textes sur l’Europe unie, à les réunir dans d’épais volumes, oubliant leur statut marginal dans leur époque" (in Cahiers IRICE n°1, 2008)

Texte 28 – Projet de déclaration des résistances européennes, Genève, 20 mai 1944

- VIRIGLIO Véronique, « Le Mouvement fédéraliste européen en Italie de Ventotene (été 1941) à la chute de la CED (août 1954) : une avant-garde dans la lutte pour les États-Unis d’Europe», Relations internationales, n°97, printemps 1999, p. 55-71.

- VAYSSIÈRE Bertrand, « Les origines italiennes du fédéralisme européen pendant la Seconde Guerre mondiale », Revue d'histoire de l'intégration européenne, vol.8, n°1, 2002, p.37-60. [télécharger ce numéro]


- VAYSSIERE Bertrand, Vers une Europe fédérale ? Les espoirs et les actions fédéralistes au sortir de la Seconde Guerre mondiale, Berne, Peter Lang, 2006, 416 p. [voir la table des matières de l'ouvrage]

- JILEK Lubor, "L'idée d’Europe devant la guerre: les exilés et le fédéralisme européen en Suisse, 1938- 1945" in A. BOSCO (éd.), The Federal ldea, vol.2, The History of Federalism since 1945, Lothian Foundation Press, London, New York, 1992, p.40 et suivantes.

- HEYDE Veronika, De l’esprit de la résistance jusqu’à l’idée de l’Europe - projets européens et américains pour l’Europe de l’après-guerre, 1940-1950, thèse de doctorat d’histoire (sd Georges-Henri Soutou, Université de Paris IV, 2007.

 

Ce texte est le fruit de plusieurs réunions qui se sont tenues à Genève au printemps 1944 chez le pasteur Willem Wisser't Hooft (1900-1985), secrétaire général du Conseil mondial des Eglises, qui a souvent dénoncé le manque de condamnation claire des Eglises chrétiennes de la barbarie nazie.

La Suisse a un statut de neutralité et le gouvernement helvétique qui redoute une invasion allemande, demande à ses concitoyens de ne pas compromettre la position du pays avec des condamnations trop violentes de la politique allemande. C'est pourquoi les réunions qui ont abouti à ce texte ont été secrètes et que cette déclaration est anonyme.

Les rédacteurs de ce texte sont au total une quinzaine issus de 10 pays différents (6 Italiens [Rossi, Spinelli, Usellini, etc.], 4 Français [dont Jean-Marie Soutou, attaché de presse de la délégation des Mouvements unis de Résistance (MUR) en Suisse], 2 Hollandais, 2 Allemandes (Hilda Monte et Hanna Bertholet), 1 Yougoslave, 1 Tchécoslovaque, 1 Polonais, 1 Danois, 1 Norvègien et 2 Suisses). Il s’agit d’un mélange de résistants de premier plan et de personnages plus obscurs, mêlés de loin à la résistance.

Il a fallu trois réunions préparatoires – le 31 mars, le 29 avril et le 20 mai – et cinq rédactions différentes du texte avant d’arriver à une déclaration commune qui soit acceptée par la majorité des participants. On se demandera donc dans quelle mesure ce texte illustre une volonté de compromis entre les idées fédéralistes des délégués italiens et les réticences plus ou moins fortes des représentants des autres nations européennes.


 

Leçon : L’idée d’Europe en terre de liberté (Grande-Bretagne, France Libre, Etats-Unis d’Amérique)


I/ Une idée européenne très présente à Londres

Zuzanna Kolouchova, Hubert Ripka, Le destin d’un démocrate francophile victime de son idéalisme, Bulletin de l'Institut Pierre Renouvin, n°23.

GONEC Vladimir, « Hubert Ripka en exil à Londres. Projets pour l’Europe unie d’après-guerre », in Bossuat Gérard et SAUNIER Georges (dir.), Inventer l’Europe. Histoire nouvelle des groupes d’influence et des acteurs de l’unité européenne, Bruxelles, Peter Lang, 2003, p.157-178.


GROSBOIS Thierry, « L’action de Joseph Retinger en faveur de l’idée européenne (1940-1946) », European Review of History, n°1, 1999.


II/ Les réflexions sur l'Europe au sein du CFLN (Alger)

GUILLEN Pierre, « Idéologies et relations internationales, les Français libres et l’idée européenne », in L’Historien et les Relations Internationales, Recueil d’études en l’honneur de Jacques Freymond, Genève, IUHED, 1981.

BOSSUAT Gérard, L'Europe des Français, 1943-1959, La IVe République aux sources de l’Europe communautaire, Paris, Publications de la Sorbonne, 1997, 471p.

III/ Les discussions aux États-Unis concernant l’Europe de l’après-guerre (département d'Etat et milieux non gouvernementaux)

HEYDE Veronika, De l’esprit de la résistance jusqu’à l’idée de l’Europe - projets européens et américains pour l’Europe de l’après-guerre, 1940-1950, thèse de doctorat d’histoire, Université de Paris IV, 2007.