Penser et construire l'Europe 1919-1992

Préparation aux épreuves d'histoire contemporaine du CAPES et de l'AGREGATION

Travaux Dirigés - Séance 6

Europe une, Europe multiple

 

 

 

 

 

 

 

Sujet : Le débat sur les frontières de l’Europe unie (1919-1950)

Il est difficile de limiter l’Europe et nul doute que les débats sur les frontières de l’Europe ne relèvent d’une « véritable métaphysique de l’Europe », car ils « portent sur les rapports entre son être et sa définition, entre son existence et sa finitude » (Robert Frank). « Peut-on croire qu’une chose puisse être ou exister sans définition, c’est-à-dire sans délimitation ? A l’inverse ne peut-on nier son être ou son existence sous prétexte qu’on ne peut pas en fixer les limites ? »

I. La nature des frontières de l'Europe unie

A) Les limites de la civilisation européenne

Paul Valéry : « Il y a Europe là où les influences de Rome sur l’Administration, de la Grèce sur la pensée, du christianisme sur la vie intérieure se font sentir tous les trois ».

B) La vision géographique/géopolitique de l'Europe unie

Coudenhove : découpage du monde en cinq grands Empires mondiaux.

Aristide Briand : "Je pense qu’entre des peuples qui sont géographiquement groupés, comme les peuples d’Europe, il doit exister une sorte de lien fédéral" (5 septembre 1929)


C) Les frontières idéologiques

II) Les trois pays problématiques

A) L'Europe unie avec ou sans la Grande-Bretagne?

KEYNES : « Pour celui qui a passé à Paris la plus grande partie des six mois qui ont suivi l’armistice, une visite à Londres, de temps à autre était une étonnante expérience. L’Angleterre est toujours restée hors d’Europe. Elle ne remarque pas les agitations silencieuses de l’Europe. L’Europe est à côté d’elle et l’Angleterre n’est pas un morceau de sa chair, un membre de son corps. Mais l’Europe forme un bloc compact: France, Allemagne, Italie, Autriche, Hollande, Russie, Roumanie et Pologne respirent à l’unisson. Leur structure, leur civilisation sont foncièrement une » (Les conséquences économique de la paix, 1919).

Gaston RIOU considère "le bloc britannique", dans Europe ma patrie (1928) comme "un bloc extra-européen [qui] se déseuropéanise chaque jour davantage »

CHURCHILL, "The United States of Europe" (1930) : "We are with Europe, but not of it"

B) L'Europe unie contre l'Union Soviétique?

Richard COUDENHOVE-KALERGI  : « L’Union des Républiques soviétiques est aujourd'hui une puissance mondiale eurasiatique (…). Elle a renié le système démocratique européen, ce qui signifie, politiquement, sa séparation avec l’Europe » (Pan-Europe, 1923).

Hermann von KEYSERLING : « Autrefois la différence entre le caractère français et le caractère allemand pouvait être considérée comme d’une importance primaire. Aujourd'hui c’est la conscience de la différence par rapport au caractère russe et surtout au caractère asiatique qui prédomine » (Analyse spectrale de l’Europe, 1928)

Edouard HERRIOT : "Je reconnais qu’une fédération européenne serait gravement incomplète s’il y manquait la Russie. Nous n’avons plus beaucoup de renseignements authentiques sur ce grand pays. Mais nous savons le rôle qu’il jouait, il y a vingt ans, dans la vie de l’Europe, bien qu’il commençât à peine d’entrer dans le courant des échanges internationaux. « Mais on ne lutte pas indéfiniment contre les lois de la vie. Un jour viendra où la Russie voudra sortir de son isolement. Je crois fermement, pour ma part, qu’il en sera de la révolution soviétique ainsi qu’il en fut de la révolution française. Malgré ses prétentions inverses, elle créera la propriété privée. Et la Russie, remise à son tour, d’une longue et terrible secousse, reprendra son rôle et sa place dans la vie des nations d’Europe" (interview d’Édouard HERRIOT publiée dans Le Quotidien du 14 décembre 1929, p. 1.)

 

C) La Turquie est-elle européenne?

Émile Borel propose, pour l’instant, de laisser « de côté l’étude du problème en ce qui regarde ces États orientaux », même si l’« on peut souhaiter que la Russie et la Turquie puissent prendre leur place dans une Europe unifiée » (article "Etats-Unis d'Europe" in Dictionnaire diplomatique).

III) Une Europe unie à géométries variables

A) La "grande Europe"

- L'Europe d'Aristide Briand (27 Etats)

- L'Europe nouvelle de Hitler : une Europe unie, purifiée par le fer, le sang et le génocide, construire contre l'Angleterre et contre l'URSS.

- L'Europe des mouvements fédéralistes au lendemain de la seconde guerre mondiale

B) La "petite" Europe

- A la fin des années vingt, idée de la construction d'une Europe par paliers, en commençant par l'Europe industrialisée du Nord-Ouest, si différente de l'Europe orientale ou méditerranéenne : Ces deux Europes, se demandait le juriste Georges Scelle, pouvait-on les « fédérer indistinctement » ou n’était-il pas préférable de « procéder par paliers », étant bien persuadé que « l’action politique s’exercer[ait] en vain là où n’exist[ait] pas déjà un substratum naturel de solidarité économique et d’affinités naturelles » ("A propos de la Fédération européenne", La Dépêche, 28 mai 1930, p. 1).

- Les projets d'ententes régionales des années trente

- La CECA (discours du 9 mai 1950 : « L'Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble [...] L'action entreprise doit toucher au premier chef la France et l'Allemagne. [...] Le gouvernement français propose de placer l'ensemble de la production franco-allemande de charbon et d'acier sous une Haute Autorité commune, dans une organisation ouverte à la participation des autres pays d'Europe").

C) L'Europe sans rivages

Coudenhove : « L’Europe est fille de l’Asie – et la mère de l’Amérique – mais elle est aussi la maîtresse de l’Afrique. C’est pourquoi l’Europe est liée par la destinée de l’Afrique, responsable du destin de l’Afrique. C’est pourquoi le problème africain constitue une partie du problème européen. C’est pourquoi l’Afrique forme, politiquement et économiquement, le complément tropical de l’Europe ».

Paolo d’Agostino Orsini, Eurafrica, L’Europa per l’Africa, l’Africa per l’Europa (1934).

Robert Schuman (9 mai 1950) "L'Europe pourra, avec des moyens accrus, poursuivre la réalisation d'une de ses tâches essentielles : le développement du continent africain".



Bibliographie :

MUET Yannick, Le débat européen dans l’entre-deux-guerres, Paris, Economica, 1997, 158 p.

MUET Yannick, Les géographes et l’Europe. L’idée européenne dans la pensée géopolitique française de 1919 à 1939, Institut européen de l’Université de Genève, 1996, coll. « Euryopa », 102 p. http://www.unige.ch/ieug/publications/euryopa/muet.pdf

PÉCOUT Gilles (dir.), Penser les frontières de l’Europe du XIX au XXIe siècle, Paris, Éditions ENS, PUF, 2004, 380 p.

PETRICIOLI Marta, VARSORI Antonio (dir.), The Seas as Europe’s external borders and their role in shaping a European identity, Lothian Foundation Press, 1999, 289 p.

TOSI Luciano, Europe, its Borders and the Others, Università degli Studi di Perugia. Edizioni Scientifiche Italiane, Perugia, 2000, 581 p.

 


Sur Elemér Hantos et les projets régionalistes en Europe centrale

Rapide biographie d'Elemér Hantos ainsi que quelques extraits d'oeuvres (site internet du Prix Elemér Hantos) - En anglais

ORMOS Ormos, "L'Europe centrale dans les années trente", Öt Kontinens, Eötvös Loránd Tudományegyetem, Budapest, 2006.

JILEK Lubor, "Projets d'union économique dans l'espace danubien jusqu'en 1938 : les espoirs d'Elemér Hantos et de Milan Hodza", (Séminaire Ministère des Finances, 2002).

STIRK P.M.R., « Ideas of Economic Integration in Interwar Mitteleuropa », in P.M.R. Stirk (dir.), Mitteleuropa. History and Prospects, Edimbourg, University Press, 1994, p. 86-111.

ELVERT Jürgen, Mitteleuropa ! Deutsche Pläne zur europäischen Neuordnung, 1918-1945, Stuttgart, Franz Steiner, 1999, 448 p.