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Le
11 novembre 1918, au terme d’un conflit d’une ampleur inédite,
Georges Clemenceau prévient : « Nous avons gagné
la guerre, mais maintenant il va falloir gagner la paix, et ce sera
peut-être plus difficile ». Le traité signé
à Versailles en 1919 ne devait effectivement pas consacrer la
« paix française » dont certains avaient rêvé
au soir de la Victoire, ni créer les conditions d’une paix
durable à laquelle aspirait un corps social durement éprouvé
et que la politique de réconciliation européenne d’Aristide
Briand devait tenter d’établir dans la seconde moitié
des années 1920.
Pour appréhender les enjeux de cette période, il convient
de s’affranchir de la tentation de tout regard rétrospectif
qui n’envisagerait les événements qu’à
la lumière de l’évolution tragique des années
1930. Loin d’être une sorte d’« entre-deux »,
les années 1920 possèdent leur propre cohérence
et leur propre dynamique, qu’illustre une floraison d’idées
réformatrices et d’expériences inédites dans
tous les domaines de la pensée et de l’action. Une France
nouvelle est bel et bien en train de s’inventer, malgré
les pesanteurs et les conservatismes.
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On en parle... |
L’originalité de cette synthèse
écrite par Jean-Michel Guieu est qu’elle est très
accessible et repose sur un triple choix : traiter à parts égales
Paris, province et colonies ; accorder toute leur place aux destins
individuels des hommes et des femmes ; articuler l’histoire sociale
et culturelle au récit politique. [...] Jean-Michel Guieu
a réussi la gageure d’une synthèse qui répond
à son objectif de vulgarisation de qualité universitaire
à la lumière des derniers travaux historiographique sur
la période 1914-1929.
Jean-François Bérel pour La
Cliothèque |
Entre guerre et paix. Jean-Michel
Guieu, maître de conférences à l'université
Paris-I, a réussi le tour de force de nous présenter un
tableau dynamique, complet et agréable à lire de la France
en Grande Guerre dans un livre qui a intégré tous les
acquis sur la période 1914-1918, notamment le flot de publications
dû au centenaire. L'auteur rend justice à toutes les écoles
historiographiques, en présentant les débats, leurs enjeux
et leurs conclusions. Le deuxième chapitre est un modèle
de clarté, du haut (les commissions parlementaires, le gouvernement)
au bas (l'usine, la tranchée) de la métropole et de son
empire colonial. C'est en effet toute la France, la très grande
France, qui est l'objet de ce livre : en guerre, puis en paix. L'auteur
restitue aux années 1920 leur originalité et leur saveur
: années novatrices, années d'espoir et d'édification
d'une économie, d'une société et d'une Europe nouvelles.
L'Histoire
n°421, mars 2016, p. 82. |
Dernier volume paru d'une collection hardie dont l'ambition
est de revisiter L'Histoire de la France contemporaine, Gagner la paix
1914-1929 de Jean-Michel Guieu, maître de conférences à
l'université de Paris-1, jette une lumière crue sur le
conflit lui-même et la décennie qui suit, ouverte à
des promesses qui ne seront pas tenues. S'il consacre au déroulement
du conflit des pages pénétrantes, ce sont les entours
qui retiennent, surtout, l'attention de l'historien. Il décortique
avec soin l'état d'esprit de la nation à la veille du
drame, en insistant sur la passivité d'une opinion publique divisée.
Si l'Union sacrée parvient à mobiliser la nation, c'est
dans la perspective d'une guerre courte. Tout est à inventer:
de nouvelles formes de gouvernance, la reconversion du potentiel industriel,
l'intensification de la guerre économique, l'embrigadement du
"front intérieur". Si la guerre est gagnée,
la paix dictée par les vainqueurs est perdue. Si Briand aspire
à pacifier l'Europe, la dureté des traités se heurte
aux réalités internationales, y compris dans le camp des
Alliés, et à celles vécues par une Allemagne rétive,
en proie de surcroît à des soubresauts intérieurs.
Poincaré, l'homme de l'Est, prônera "le droit par
la force"et précipitera l'occupation de la Rhénanie.
La France elle-même se remet mal d'une guerre qui l'a saignée
à blanc. C'est le temps du deuil, et des occasions manquées.
Les femmes, qui ont tant contribué à la victoire, sont
toujours exclues de la citoyenneté, les sujets de l'Empire aussi.
Alors qu'on échoue à réformer un parlementarisme
usé, qu'est en route une immense tâche de reconstruction,
l'obsession démographique se heure à l'appétit
de jouissance qui est la marque des "années folles".
Jamais sans doute, l'essor du cinéma aidant, on n'a tant "consommé"
de culture, et l'ouverture vers l'étranger est une marque du
temps. Le Cartel des gauches sera un espoir déçu, et Poincaré
reprendra la main, prêchant la "concorde des républicains".
Briand, de retour, apaisera les esprits. Le pacte Briand-Kellogg met
hors-la-loi le principe même du recours à la guerre. On
sait la suite. Un ouvrage dense, très pensé, où
le concret de la vie est restitué avec brio. Passionnant.
Pierre Aubé, "D'une guerre à l'autre",
Les affiches de Normandie, 17 février 2016. |
La Grande Guerre et après.
La Première Guerre mondiale a inspiré, ces dernières
années, un nombre considérable de livres, le plus souvent
dans une logique commerciale. Parmi les derniers parus, deux retiennent
l'attention. Jean-Michel Guieu signe Gagner la paix, 1914-1929, en reprenant
en titre la phrase célèbre de Clemenceau consécutive
à la signature du traité de Versailles. Guieu, maître
de conférences à la Sorbonne, après avoir porté
son regard sur la guerre, cerne avec justesse les années 1920
en établissant une synthèse complète d'une période
peu étudiée. Il importe alors d'affronter un héritage
très lourd, d'inventer dans l'inquiétude une France nouvelle
puis de sortir de l'après-guerre. C'est aussi le temps des Années
folles et d'une certaine prospérité
Robert Guinot, "Essentielle
histoire de France", Le Populaire, 5 mars 2016. |